Sanaa , nord Yémen …
aux portes du souk non loin du vieux cimetière ….
il me dévisage… enturbanné , superbe ,
la djambia dans son étui de cuir aux motifs de cuivre ciselé
glissée à la ceinture , deux cartouchières croisées sur sa veste noire ,
la kalachnikov en bandoulière , la mine placide ,
je le salue et tente de lui faire comprendre
que j'aimerais avoir sur pellicule l'image d'un aussi fier guerrier ,
il se fend d'un large sourire , ouvert sur les rares chicots qui lui restent ,
rougis par l'abus du quat qu'il doit mâcher à longueur de journée
comme la plupart ici …pour oublier la faim et les maux du quotidien…
il semble enchanté et flatté de l'intérêt que je lui porte ,
sans se faire prier il prend la pose , se plante devant moi ,
se saisit de son fusil et me met en joue avec un air féroce ,
le sourcil charbonneux froncé sur un œil fermé prêt à tirer .
Je n'en mène pas large , avec l'envie de me jeter à plat ventre ,
j'appuie deux fois sur le déclic en suppliant le ciel
qu'il ne lui prenne pas l'envie de faire de même …
sitôt fait il me tire une rafale assourdissante au-dessus de la tête ,
dans un grand éclat de rire , remet son arme à l'épaule
et poursuit son chemin après m'avoir gratifié d'une sonore claque dans le dos .
Yémen . Août 75