C’est un éclat de rire…tonitruant , dévastateur , gargantuesque…rabelaisien...c’est d’abord une énorme joie de vivre Christian.
La première rencontre ….en 73 ... une rue paumée de Lima , il la remonte , je la descend sur le trottoir opposé…le sac à dos me scie les épaules…il m’interpelle :
-Si tu cherches un pieu pour la nuit , pas la peine de continuer…que dalle derrière moi… !
Nous avons poursuivi notre quête ensemble et ne nous sommes plus quittés tout au long de notre périple en Amérique du Sud.
C’est aussi la pirogue qu’il se met à balancer hilare sur un bras mort de l’amazone dès qu’il apprend qu’il est dangereux de laisser traîner sa main dans l’eau à cause des piranhas…
C’est le cigare qu’il allume sur le crête déchiquetée au-dessus de Machu Picchu alors que le manque d’air nous déchire les poumons…
C’est la silhouette en poncho qui se découpe dans la nuit glaciale à l’arrière du camion qui nous ramène à Puno….bras en croix sous les étoiles à rire de nous voir grelotter serrés les uns contre les autres bercés par les voix graves d'un quatuor argentin qui nous serine les tangos de Carlos Gardel…
C’est la grand place de La Paz … traversée au pas de l’oie dans les vapeurs d’alcool et le concert nocturne de klaxons furibards…
C’est la panne de nuit au bord de la transaméricaine où le nez au ciel dans le firmament constellé il m’isole Bételgeuse..
C’est un coup de téléphone d’une capitale Africaine où il dirige les pompes funèbres…
C’est une ballade sur les rives du lac de Genève où il est prof de Maths dans un cours privé…à refaire le monde en faisant des ricochets sur l'eau noire…
C’est sa femme qui m’appelle pour me dire qu’il va très mal…rongé par le cancer..en phase terminale... il ne veut voir personne et la charge de me dire adieu…
C’est cette église de la rue Boulainvilliers …où plein de gens que je ne connais pas rendent un dernier hommage à une absence….ses cendres dispersées depuis longtemps déjà
C’est un rire qui s’est éteint…..et qui résonne encore dans mes oreilles.
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